Violences, mariages forcés, déscolarisation… la crise sanitaire, économique et sociale dûe à la pandémie de coronavirus a des conséquences directes sur des millions d’enfants exilés à travers le monde. À l’occasion de la journée mondiale des réfugiés, le 20 juin, l’ONG Vision du Monde, par la voix de sa responsable des relations extérieures, Raphaële Vauconsant, se dit « très préoccupée ». Elle estime notamment que le Covid-19 « exacerbe les vulnérabilités » des enfants exilés et les « expose à de plus grandes violences ».
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InfoMigrants : Quelle est la situation globale des réfugiés dans le monde et en particulier des enfants ?
Raphaële Vauconsant : Aujourd’hui, on compte près de 26 millions de réfugiés dans le monde et la moitié d’entre eux sont des enfants. Accompagnés ou se retrouvant seuls sur le chemin de l’exil, ces personnes ont fui les conflits, l’insécurité, les situations d’épuration ethnique… Ils trouvent refuge dans des camps de fortune situés bien souvent à proximité des frontières des pays qu’ils ont laissé derrière eux.
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Le Bangladesh et l’Ouganda sont les terres d’accueil des deux plus grands camps de réfugiés au monde. En Ouganda, le camp de Bidibidi accueille les réfugiés originaires du Soudan du Sud, 86% d’entre eux sont des femmes et des enfants. Au Bangladesh, dans le camp de Cox’s Bazar, 60% des réfugiés rohingyas sont des enfants.
IM : Quels sont les principaux dangers auxquels sont confrontés les enfants réfugiés ?
R. V. : Les enfants réfugiés sont exposés à de nombreuses violences, souvent liées à l’extrême précarité dans laquelle ils sont plongés. Livrés à eux-mêmes et confrontés au manque du minimum nécessaire pour vivre, ils sont par exemple victimes du travail des enfants.
De plus, de nombreuses jeunes filles sont mariées précocement dans l’espoir d’une vie meilleure. Un phénomène qui les éloigne davantage des bancs de l’école et les plonge dans l’illettrisme. Victimes de grossesses précoces, ces jeunes filles voient leur santé physique et psychologique fragilisée.
En conséquence de la crise sanitaire mais aussi économique et sociale liée au Covid-19, on estime que quatre millions de mariages d’enfants supplémentaires risquent d’avoir lieu au cours des deux prochaines années. Et 85 millions de filles et de garçons risquent d’être victimes de violences physiques, sexuelles et émotionnelles dans les trois prochains mois.
Une crainte justifiée, dans les contextes fragiles, par le fait que les familles vivent essentiellement de l’économie informelle. Or le confinement et les mesures de distanciation sociale ont stoppé toutes formes de revenus en provenance de ces activités. De nombreuses personnes se retrouvent en situation de détresse financière et ne parviennent plus à subvenir à leurs besoins. Les marchés sont fermés ou désertés, ce qui rend très difficile les ventes de la production agricole par exemple. Marier précocement ses enfants apparaît alors comme une solution pour qu’ils soient nourris et qu’ils vivent dans de meilleures conditions. Ces unions dans l’espoir d’une vie meilleure sont néfastes et souvent irréversibles pour les jeunes filles qui en sont victimes.
IM : À quoi ressemble le quotidien d’un enfant réfugié ?
R. V. : De nombreux enfants réfugiés sont privés d’éducation car dans la plupart des cas non intégrés aux systèmes scolaires des pays d’accueil. Leur quotidien ressemble alors pour beaucoup à ceux des adultes réfugiés.
Ils sont confrontés aux longues files d’attente qui caractérisent les distributions alimentaires. Ils parcourent aussi bien souvent de longues distances pour aller chercher du bois pour faire du feu et cuisiner, ainsi que des bidons d’eau pour la vie quotidienne.
Ils sont les proies faciles à toutes formes d’abus et sont confrontés au travail des enfants, ainsi qu’à une insécurité permanente.
IM : Que fait Vision du Monde pour soutenir les enfants réfugiés ?
R. V. : Pour faire face à la pandémie, Vision du Monde intensifie son aide d’urgence dans les contextes les plus fragiles. Les équipes locales de l’association continuent de soutenir les réfugiés rohingyas dans les camps de Cox’s Bazar, au Bangladesh en distribuant des denrées alimentaires, des kits d’hygiène, et en multipliant les points d’accès à l’eau. Ce sont près de 4 000 stations de lavage de mains supplémentaires qui ont été mises en place et 17 700 familles qui ont reçu des savons, afin de se protéger contre la propagation du virus. Vision du Monde sensibilise les personnes réfugiées aux gestes barrières et aux risques que constitue le Covid-19.
Tous les mois, en partenariat avec le Programme alimentaire mondial, l’ONG humanitaire apporte une aide alimentaire à 96 000 ménages. Vision du Monde place la protection des enfants réfugiés et le respect de leurs droits au cœur de son action. L’accompagnement des filles et des garçons passe alors par :
- Les Espaces Amis des Enfants, lieu où les plus jeunes peuvent venir apprendre, jouer et s’exprimer en toute sécurité. Les enfants retrouvent une certaine insouciance et les équipes locales de Vision du Monde peuvent alors identifier les enfants qui nécessitent un accompagnement spécialisé,
- Les Ateliers de Construction de la Paix qui ont pour objectif d‘éviter par exemple que les conflits ethniques ne se déplacent d’une génération à l’autre et ne traversent les frontières,
- La sensibilisation contre les mariages précoces,
- Les programmes d’éducation et de formation à différents types de compétences professionnelles.
IM : En tant que parent réfugié, comment puis-je protéger au mieux mes enfants des dangers de l’exil ?
R. V. : Les parents réfugiés sont eux-mêmes plongés dans une très grande précarité et se retrouvent exclus des activités économiques des pays d’accueil. Le meilleur moyen de venir en aide aux enfants est avant tout de soutenir les parents afin qu’ils puissent accéder à des activités génératrices de revenus.
Cela fait partie du rôle de Vision du Monde, qui accompagne ces populations vers une certaine autonomie grâce par exemple à la constitution de groupes d’épargne. En se retrouvant chaque semaine, les réfugiés épargnent ensemble et peuvent emprunter de l’argent, pour notamment soutenir la scolarité de leurs enfants.
Nous savons que l’accès à l’éducation est la clé pour entrevoir un avenir meilleur et devenir acteur de ses droits. C’est en sortant les populations de l’extrême pauvreté et en sensibilisant les familles aux violences faites aux enfants, qu’il est possible de construire un environnement plus stable pour les générations futures.
SOURCE : https://www.infomigrants.net
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