Mme Diago Ndiaye, c’est des années d’expérience dans le domaine de la médiation dans les conflits, attestées par une bonne maîtrise de la géopolitique nationale. Charismatique par les mots, cette Sénégalaise bon teint incarne bien le raffinement et l’élégance Saint-Louisiens. Inspirée par les anciennes, elle tire son engagement de son passé d’éclaireuse et de militante de naissance. Autodidacte, elle force le respect avec ses diplômes d’études supérieures obtenus à l’âge de cinquante ans. Enseignante de formation, Mme Diago Ndiaye est titulaire d’un diplôme en Psychologie de la petite enfance et d’un DESS/Master en ingénierie de projet et programme de coopération. Elle est également experte consultante en Genre éducation, paix et sécurité et développement local. « Maman Diago », comme l’appellent affectueusement ses jeunes collègues, est aussi spécialiste des questions de la promotion de la femme et de l’enfant. En tant que facilitatrice de la mise en œuvre des résolutions 1325, 1820 et 2240 du Conseil de sécurité, Diago Ndiaye a mis en place des programmes de formation pour le renforcement des capacités des femmes en matière de prévention et de gestion des conflits.
Dans son pays, le Sénégal, elle a mis sur pied des clubs d’éducation à la paix et à la citoyenneté, ainsi que des parlements scolaires au niveau des écoles pour sensibiliser les élèves sur les thématiques liées aux respects des droits humains, à l’apprentissage de la démocratie et de la bonne gouvernance, à l’importance du genre, à l’éducation à la paix, à la citoyenneté et à la culture de la tolérance. Toujours dans ses expériences de facilitatrice, celle qui dirige le nouveau Bureau du Réseau Paix et Sécurité des Femmes de l’espace CEDEAO (REPSFCO Sénégal) depuis avril 2017 a mené des actions de plaidoyer et de sensibilisation à travers les médias sur les questions de paix et de sécurité à l’endroit des autorités. A ses actions précitées, s’ajoutent les médiations qu’elle a entreprises pour l’apaisement de la crise sociale, notamment dans le domaine de l’éducation et les motions de soutien. Cette militante de la paix très connue au Sénégal est à l’initiative de mémorandums envoyés à des pays en conflits comme la Côte d’ivoire, le Niger, le Mali, la Guinée, le Burkina et la plateforme des femmes pour la paix en Casamance. En collaboration avec Parteners for Africa, Diago Ndiaye a aussi animé des actions de sensibilisation et de formation à Pikine, Guédiawaye (villes situées dans la banlieue de Dakar) et Kaolack (région du Sénégal située à 189 kilomètres au sud-est de Dakar) sur les questions de terrorisme et d’extrémise violent. Des actions qui ciblaient les jeunes, les chefs religieux, les autorités politiques et coutumières, les organisations des femmes et la société civile. L’enseignante de formation a également participé à la mise sur pied de cellules locales REPSFECO dans les quatre départements de la capitale sénégalaise (Pikine, Guédiawaye, Rufisque et Dakar) et dans les régions de Thiès, Ziguinchor, Kolda, Sédhiou, Diourbel, et de points focaux à Kédougou, Tambacounda, Saint-Louis, Fatick. Elle souligne en outre que d’autres cellules locales REPSFECO sont en cours d’installation dans le but de redynamiser celles qui existent déjà.
Pour « Maman Diago », les défis auxquels les femmes sont confrontées en Afrique et dans l’espace CEDEAO se résument en général à leur implication dans la prévention, dans la gestion et la résolution des conflits. Cette implication, pense-telle, doit être réelle et effective, c’est-à-dire que les femmes doivent obligatoirement être associées à tous les stades de la prise de décision (négociation, médiation, etc.) et nommées dans de hauts postes de responsabilité à chaque fois qu’il y a un conflit. A cet égard, ajoute-t-elle, elles doivent également être représentées dans les forces de sécurité, les opérations de maintien, de consolidation et de reconstruction de la paix. Diago Ndiaye estime que les femmes doivent aussi relever le défi de l’autonomisation et le problème de l’accès aux ressources, notamment à la terre, en particulier pour les femmes du monde rural. Sensible au sort des femmes rurales, elle voit l’urgence de les outiller afin de faire face aux menaces qui les guettent. A la question de savoir si les femmes sénégalaises sont réellement impliquées dans les processus de paix, Mme Ndiaye, sans osciller, répond par la négative. Néanmoins, elle fait savoir que ses compatriotes ont créé un cadre d’action à travers la Plateforme des femmes pour la paix en Casamance, la Cellule nationale REPSFECO, le Groupe Observation des femmes sur les élections, la Plateforme de veille des femmes, le Comité de lutte contre les violences faites aux femmes et l’Antenne sénégalaise du groupe de travail femmes, jeunes, paix et sécurité en Afrique de l’Ouest. Examinant les obstacles à l’action des femmes, l’experte consultante en genre indexe les pesanteurs sociales, culturelles, religieuses, le manque d’autonomie financière et l’absence de formation.
Comme solutions à toutes ces incomplétudes, elle juge nécessaire de procéder à l’organisation d’ateliers de renforcement des capacités sur les résolutions 1325-1820-2242-2250, d’organiser une tournée d’information et de sensibilisation sur les questions de genre, menaces et sécurité et les questions migratoires dans les communautés de base. Elle propose en prime la tenue de séries d’ateliers de formation des femmes et des jeunes face aux menaces sécuritaires liées à l’utilisation abusive des réseaux sociaux, ainsi que le renforcement de l’autonomisation des femmes et à la mise en place d’un cadre de concertation, d’échange et d’harmonisation des interventions sur la prévention et la résolution des conflits. Des initiatives pour la paix portées par les femmes sénégalaises, il en existe bien. Diago Ndiaye le confirme en évoquant l’intervention des organisations féminines en matière de veille et de suivi du processus électoral. Des actions ayant contribué à apaiser les tensions électorales et à adopter la loi sur la parité dans les fonctions sélectives afin d’assurer une plus grande représentativité des femmes dans les instances politiques. Politique de parité au Sénégal qui, du reste, a permis une plus grande représentativité des femmes au sein des institutions politiques, acclame Diago Ndiaye qui reconnaît toutefois que des efforts restent à faire puisque dans le bureau et commissions de l’Assemblée nationale, dans le Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT), le gouvernement, les conseils municipaux et départementaux, cette loi n’est pas respectée. S’agissant maintenant de l’implication des femmes sénégalaises dans la trajectoire politique de leur pays, Mme Ndiaye y voit le fruit d’un long processus qui a débuté depuis les indépendances à travers les programmes de sensibilisation et de formation en matière de santé et d’hygiène.
Celle qui se bat au quotidien pour la cause féminine raconte qu’il y a ensuite les IFD (Intégrations des Femmes dans le Développement) avec la mise à disposition de matériels d’allégement des travaux domestiques des femmes, couplés à des programmes d’alphabétisation et d’IEC (International d’Expertise et de Conseil). Il importe de préciser qu’au Sénégal, à la fin des années 90 et au début des années 2000, le concept genre a fait son apparition afin de favoriser l’égal accès des femmes aux ressources. C’est finalement en 2010 que la parité a été votée pour garantir une plus grande présence des femmes dans les instances politiques. Néanmoins, relativement à l’implication des femmes dans le processus de paix, notamment pour le retour de la paix en Casamance, celle-ci demeure assez faible de l’avis de Diago Ndiaye qui renseigne tout de même sur les actions mineures menées par la Plateforme des femmes pour la paix en Casamance qui sensibilise les acteurs du conflit.
Dans cette partie du sud du Sénégal en proie à un conflit armé vieux de plus de trois décennies, le massacre de 14 jeunes dans la forêt de Boffa Bayotte (situé en Basse-Casamance, à l’est de Nyassia et à proximité de la frontière avec la Guinée-Bissau) au début de l’année 2018 avait suscité un tourment national. En réaction à cette infamie qui a porté un coup fatal au processus de paix en Casamance, Mme Ndiaye fait savoir que les associations de femmes œuvrant pour la paix ont fait part de leur indignation et ont manifesté leur compassion envers les familles éplorées. Pour sa part, le REPSFECO qu’elle dirige a envoyé une motion de soutien aux familles des victimes et adressé une déclaration à l’endroit du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC), des autorités étatiques et de tous les acteurs du conflit pour les sensibiliser sur la nécessité d’œuvrer pour la résolution pacifique de la crise en Casamance.
Source: Ouvrage « Ledership des femmes dans la prévention des conflits en Afrique de l’Ouest », Gorée Institute, Mai 2019