Introduction
Le phénomène migratoire est un fait social complexe dont l’analyse offre plusieurs directions. C’est pourquoi sa compréhension satisfaisante comme fait social exige des travaux multidisciplinaires de recherches permanentes et durables
Le Sénégal est l’exemple de pays où l’essentiel des migrations sont internes. Le modèle migratoire dominant est en particulier celui du monde rural vers la zone urbaine entrainant un déséquilibre de la répartition de la population dans l’espace.
Avec plus de 2,5 millions d’habitants, la région de Dakar abrite 18% de la population sénégalaise sur 550 km2 soit 0,3% de la superficie du pays. La densité à Dakar est de 4541 habitants au km2, ce taux est extrêmement élevé comparé à la densité moyenne sénégalaise qui est de 71 habitants au km2. Le taux d’urbanisation du Sénégal est de 46,80% et les conditions de vie des migrants sont reconnues contraire aux règles d’hygiène et de santé publiques.
Depuis plusieurs années, l’exode rural transporte des milliers de jeunes femmes vers la ville de Dakar. Cette étude se concentre sur le quartier de Yoff. Ces jeunes à la recherche de travail sont vulnérables aux IST (souvent suite à des abus sexuels ou des rapports non protégés) et l’Alliance pour la Migration, le Leadership et le Développement étudie le profil de ces femmes migrantes dans la ville de Dakar à travers leur motivation, leurs lieux d’origine, leurs lieux et conditions d’hébergement, leurs activités, leurs expositions aux divers risques tels que: les abus sexuels, mais aussi morale et psychologique, les infections sexuellement transmissibles, les grossesses non-désirées et infanticides conséquents, l’accès ou pas aux services de santé (planification familiale, avortement, accouchement, etc.), et les diverses souffrances psychoaffectives et sociales.
L’alliance a donc commis une étude sur les travailleurs domestiques à Yoff, quartier traditionnel lébou populaire qui accueille une forte communauté de migrants saisonniers dont la majorité sont des jeunes filles.
Les résultats sont les suivants:
- L’âge moyen de ces jeunes filles est de 20 ans.
- Elles vivent dans des conditions de promiscuité et de surpeuplement dans des chambres partagées.
- Elles parlent sérère, mandingue et wolof et ont un niveau d’alphabétisation très faible.
Leurs conditions de vie et l’analphabétisme les exposent fortement aux infections et autres maladies transmissibles.
L’étude a aussi révélée que les filles n’ont aucune information sur les modes de transmission, les symptômes et les méthodes préventives et curatives de la tuberculose, du paludisme et également des IST/VIH/SIDA.
Il a aussi été noté un nombre élevé de cas d’abus sexuels sur le groupe cible et d’une ignorance totale de ces femmes des structures d’accueil et d’appui pour les victimes de ce type d’abus malgré l’existence d’un centre d’accueil et dépistage gratuit dans la zone.
Données statistiques
En mars et avril 2010, une équipe composée de six (06) enquêteurs: sociologue et étudiants en communication, a sillonnée le quartier de Yoff pour recueillir des informations sur la population migrante que constitue les filles travailleuses domestiques.
La grille déroulée est annexée au présent document et elle montre après exploitation et analyse les informations pertinentes suivantes:
- Les filles ne vivent pas avec leur famille, elles sont seules ou vivent avec des colocataires du même village d’origine.
- Elles partagent en nombre (10 en moyenne) une chambre de 6 m² ce qui accroit les risques de contamination de certaines maladies (dermatoses, tuberculose, etc.)
- 43% d’entre elles ont contracté un paludisme sévère alors que 18% seulement ont eu recours au test pour le paludisme.
- 99 % ignorent les signes et les modes de transmission de la tuberculose qui est un problème de santé communautaire.
- 18% affirme avoir été victimes d’abus ou d’avance sexuels mais ce chiffre n’est pas fiable car la plupart des femmes interviewées n’ont pas voulu répondre à la question.
- 80 % ne connaissent pas les modes de transmission et symptômes du paludisme et 42% d’entre elles ne dorment pas sous un moustiquaire.
Promoteurs:
Deux structures de développement à la base sont en partenariat pour ce projet pilot:
L’Alliance pour la Migration, le Leadership et le Développement (AMLD):
Basée à Dakar, au Sénégal, avec un bureau de liaison à Genève en Suisse, AMLD est une organisation non gouvernementale internationale, qui a pour mission la mise en œuvre, en Afrique et avec la communauté internationale, d’initiatives pouvant apporter des changements majeurs dans la relation entre la migration, le leadership et le développement et démontrer comment leur synergie peut favoriser et stimuler la structure de développement des pays africains.
L’Association pour l’Alphabétisation des Adultes (APADA) :
APADA est une association de base qui œuvre dans le développement local à travers l’éducation et la formation. Ses cibles sont les artisans et les travailleurs (ses) domestiques. Les formations initiées sont dans les domaines de l’électricité, la maîtrise du français comme langue de communication et la cuisine.
Le projet pilote est simple et reproductible dans d’autres zones. Il permettra de toucher un nombre important de femmes et les mettra en relation avec les structures de santé de la région et du pays.
Objectifs:
Il s’agit de contribuer à la réduction de la vulnérabilité des travailleurs domestiques migrants face aux IST/VIH/SIDA, la Tuberculose, le Paludisme et les problèmes de la santé de la reproduction.
De façon spécifique, le projet vise à :
- améliorer les connaissances de la cible par rapport à ces problèmes de santé ;
- améliorer les connaissances sur leurs droits en matière de santé de la reproduction ;
- renforcer leurs capacités et compétences pour l’adoption de comportements responsables pour la prévention de ses problèmes de santé ;
- faciliter leur accès aux services de santé.
Le projet pilote (FEBS: Femmes Ensemble pour une Bonne Santé) initié à la suite des résultats de l’étude, est une innovation dans la mesure où il prend en charge les besoins en formation, information et éducation de la cible spécifique que constitue les migrants travailleurs domestiques à Yoff d’abord et ensuite dans toute la région de Dakar.
Après exploitation des données de l’étude, le projet tend vers la réalisation d’activités pour venir en appui aux filles et les connecter au système sanitaire afin qu’elles puissent accéder comme tout le monde aux soins de santé dans leur zone d’habitation.
FEBS se propose de combler chez au moins 600 migrants le gap qui existe en matière de connaissances sur les différentes maladies (paludisme, tuberculose, IST/VIH/SIDA) et la Santé de la reproduction notamment la planification familiale.
La stratégie est basée sur les valeurs culturelles des cibles pour satisfaire une demande en formation, éducation et information. Les sessions d’information seront publiques avec des points d’information, des distributions de supports de communication et des interventions d’autorités locales.
En impliquant tous les acteurs concernés (médecins, chefs coutumiers, élus locaux, migrants, autorités administrative, FEBS permettra de reproduire le projet pilote dans d’autres contrées du pays et sur les mêmes cibles après capitation et évaluation.
Les résultats de ce travail seront présentés au cours d’une conférence nationale pour définir une stratégie de résolution des problèmes identifiés. Un tel travail pourrait avec l’aide des partenaires au développement être dupliqué dans d’autres zones et pays et constituer un agenda régional de santé publique pour les populations migrantes.
Activités prévues
AMLD propose de mettre en place un programme d’information et de formation sur les IST/VIH/SIDA, la Tuberculose, le Paludisme et les problèmes de santé de la reproduction dont la planification familiale et la lutte contre les violences et abus sexuels.
Ces informations seront relatives aux symptômes, modes de transmission, mesures préventives, traitement de ces différentes maladies et les services de santé disponibles en particulier pour la prise en charge des abus sexuels, la planification familiale et le dépistage volontaire du VIH.
Activité #1: Plaidoyer auprès des autorités administratives, coutumières et sanitaires
Il s’agit de leur présenter les objectifs du programme et de voir avec elles les possibilités de participation en termes d’appui institutionnel, de soutien aux migrants par les collectivités locales et de la position géographique de ses migrants dans la localité.
Activité #2:Renforcement de capacité
Les acteurs de terrain (7) seront formés sur les techniques de communication, le conseilling et quelques aspects de la référence, la formation se fera aussi sur la tenue des documents de suivi (registres de visite etc.)
Activité #3: Forum/réunion de discussion et diagnostic des besoins (APP : approche participative de prévention)
Il accueillera les élèves du centre APADA ainsi que leurs colocataires, amis ou parents et les migrants du quartier. Des experts de la santé et des leaders communautaires vont participer à cette rencontre pour identifier leurs problèmes liés à la santé et leurs solutions.
Activité #4: Elaboration/adaptation et/ou reproduction de supports de communication
- Des brochures explicatives dans le style de boîte à image qui décriront de manière concise et accessible à la cible les symptômes, modes de transmission et méthodes de prévention
- Des cartes indiquant l’emplacement des services sont disponibles et disséminés
Activité #5: Séances de sensibilisation sur les problèmes de santé ciblés et la référence vers les structures de santé
- Entretiens individuels, groupes de discussions et causeries avec distribution de supports de communication (dont certains: portraits encadrés, toiles ou peintures à afficher dans les chambres des migrants et permettront une présence de messages imagés dans l’environnement de la cible) et des préservatifs masculins et féminins.
- des stands d’information sur les différentes maladies seront mis en place dans la communauté visée, ils seront ouverts les après-midi avec des personnes ressources qui parlent les langues maternelles de ces femmes et à même de les renseigner sur toutes les questions sanitaires.
- une mobilisation sociale autour de ces problèmes de santé et ciblant toute la population environnante et les acteurs culturels.
Besoins:
Le projet a besoin d’appui en terme technique et financier pour la prise en charge des facilitateurs, de l’impression des supports (prospectus, tee-shirts, ustensiles, cartes etc.), des sessions de sensibilisation et de grande mobilisation sociale à Yoff qui selon nos estimations toucheront prés de 1500 personnes.
Résultats du projet
- Au moins 1500 personnes informées sur les risques, méthodes de prévention, symptômes, mode de transmission et méthode curative des ISTT/VH/SIDA, du paludisme, de la tuberculose, et de la Santé Reproductive.
- Au moins 1500 moustiquaires distribués,
- Au moins 3000 préservatifs distribués (masculins et féminins),
- Un accroissement du nombre de visites préventives dans les structures d’accueil et d’appui par le groupe cible,
- Une diminution de l’absentéisme des femmes au cours d’alphabétisation et de non productivité économique pour cause de maladies ou grossesse,
- Une transmission des pratiques de prévention et de l’information concernant les maladies aux familles et communautés d’origine.
Evaluation du projet: Grâce aux cours d’alphabétisation, une évaluation qualitative pourrait être menée pour déterminer de l’impact tangible de la campagne sur la population cible avant une démultiplication.
Démultiplication du projet: Ce projet pilote pourra être reproduit dans toutes les zones de Dakar qui accueillent les populations migrantes. Abdou Salam Fall
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