Parwana Amiri, 16 ans, vit aujourd’hui dans le camp de Ritsona, au nord d’Athènes, avec sa famille. Arrivés en Grèce en septembre 2019, ils ont vécu pendant plusieurs mois dans le camp surpeuplé de Moria. Révoltée par les conditions de vie qui y régnaient, l’adolescente a raconté son quotidien dans des « lettres au monde », aujourd’hui publiées sur internet.
À quoi ressemble la vie dans le camp de migrants surpeuplé de Moria, sur l’île grecque de Lesbos, vue par les yeux d’une jeune fille de 16 ans ? C’est la question à laquelle répond Parwana Amiri, qui y a passé trois mois et demi avec sa famille.
À son arrivée le 19 septembre, la jeune fille est extrêmement choquée par les conditions de vie des migrants. Les lieux, prévus pour 3 000 personnes, en accueillent à ce moment-là plus de 10 000. Le sol est jonché de déchets. Partout, il faut faire la queue : pour avoir à manger, pour voir un médecin, pour obtenir des informations.
Dans le camp, Parwana voit défiler les journalistes mais il lui semble que personne ne parvient à raconter la façon dont les habitants vivent au quotidien. Elle s’indigne de la situation dans laquelle des milliers de personnes sont contraintes de vivre. Deux semaines après son arrivée, elle prend la plume et rédige sa première « lettre au monde ».
« La plupart des gens qui viennent à Moria voient que beaucoup de choses ne vont pas mais certains de nos problèmes restent cachés, comme la violence. Je voulais écrire sur ces problèmes cachés. Je crois au pouvoir des mots et je sais que mes articles sont un moyen de donner une voix aux réfugiés », explique Parwana à InfoMigrants.
« Nous risquons nos vies pour survivre »
La jeune fille écrit d’abord ses textes en persan mais réalise rapidement que l’anglais serait lu par davantage de personnes. La plateforme Infomobile, gérée par l’ONG Welcome to Europe, propose à Parwana de l’aider à traduire ses textes et de les publier.
Dans sa deuxième lettre, elle évoque le choix difficile de quitter son pays lorsqu’on y est menacés. « Quand nous sommes obligés de partir et que nous choisissons cette voie, nous risquons nos vies pour survivre. Même après avoir pris en compte tous les dangers et la probabilité de mourir, cela reste le meilleur choix parmi des options qui sont toutes mauvaises », écrit-elle.
Les textes de Parwana sont parfois très personnels, d’autres sont plus journalistiques ou sont écrits sous la forme de témoignages d’autres migrants. La jeune fille raconte la vie autour du four à pain construit par des femmes, le harcèlement, les enfants privés d’éducation, la fatigue de devoir toujours prouver que l’on a besoin d’une protection humanitaire. Et la violence, omniprésente.
« Je me sens impuissante face à cette violence. J’ai l’impression qu’elle coule dans nos veines. Je ne veux pas faire partie de tout cela. J’ai honte quand je sens que de la violence monte entre deux personnes qui souffrent pour les mêmes raisons. Et j’ai honte quand je sens la violence qui monte en moi », confie la jeune femme dans sa « lettre au monde » numéro 10.
Un livre en 2020
Originaire de Herat, dans l’ouest de l’Afghanistan, Parwana affirme qu’elle écrit depuis qu’elle a 13 ans. Quand elle était encore en Afghanistan, la jeune fille a commencé par imaginer des histoires pour enfants et de petits poèmes. « C’est presque interdit en Afghanistan pour les femmes d’écrire sur ce dont elles ont peur et ce qu’elles veulent », assure la jeune fille.
Aujourd’hui, Parwana et sa famille vivent dans le camp de Ritsona, au nord d’Athènes. L’adolescente voudrait continuer à écrire sur son quotidien dans ce nouveau camp. Elle espère aussi inspirer d’autres migrants afin qu’ils écrivent à leur tour leur histoire.
Après avoir été publiées sur internet, les lettres de Parwana doivent être rassemblées dans un livre dont la publication est prévue en 2020. Pour la jeune fille, ce livre est un moyen de « montrer que ni les montagnes, ni les frontières ne sont une raison d’abandonner ».
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