Femmes et conflits armés, Femmes et migration : Quelles réponses et quels défis pour le Droit International des Droits de l’Homme (DIDH) et le Droit International Humanitaire (DIH) ?
INTRODUCTION
A l’instigation de l’AMLD, en collaboration avec l’IIDH et L’IPRS, un colloque sur le thème : « Femmes et conflits armés, Femmes et migration. Quelles réponses et quels défis pour le Droit international des Droits de l’Homme et le Droit International Humanitaire ?» a été organisé les 15 et 16 mars 2011 à l’Hôtel Radisson de Dakar.
Ce colloque a réuni une centaine de participants venant d’horizons divers aussi bien en Afrique qu’en Europe, notamment : élus locaux, société civile, organisations de femmes, juristes et humanitaires, organisations gouvernementales et non-gouvernementales, représentants des forces armées. La cérémonie d’ouverture officielle de cette rencontre a été honorée par la présence effective de deux membres du gouvernement sénégalais: Madame Awa NDIAYE ministre d’Etat, Ministre du Genre, des relations avec les associations féminines africaines et étrangères et Madame Coumba GAYE Ministre Délégué, chargé des droits humains.
Le principal objectif du colloque est d’attirer l’attention sur l’évolution du statut des femmes en situation de migration et de conflits. Ces situations ont changé la façon dont les femmes sont perçues et la façon dont les droits de l’homme sont respectés. Le temps est maintenant venu d’apporter une plus grande visibilité du Droit International Humanitaire (DIH) et du Droit International des Droits de l’Homme (DIDH) en Afrique.
Les discriminations et les violences faites aux femmes continuent de préoccuper la communauté internationale malgré tous les efforts fournis pour leur éradication. En effet nonobstant le renforcement des lois, la plupart des pays surtout africains sont loin d’atteindre l’égalité entre les sexes, que ce soit de jure ou de facto. Les femmes à travers le monde continuent de subir des discriminations dans tous les domaines de la vie privée, publique et politique, celles-ci étant plus flagrantes dans les situations évoquées plut haut.
Toutefois le thème étant vaste et sensible avec ses interrogations qui dépassent largement les clivages traditionnels ; ce colloque a permis grâce aux contributions de qualités des intervenants d’apporter des éléments de réponses permettant une meilleure approche.
CEREMONIE D’OUVERTURE
Elle a été présidée par Madame Awa Ndiaye, Ministre d’Etat, Ministre du Genre et des relations avec les Associations Féminines africaines et étrangères, en présence de Madame Coumba Gaye ,Ministre Déléguée auprès du Ministre de la Justice, chargée des droits humains.
Six (6) allocutions ont marqué la cérémonie dont voici l’essentiel :
- Allocution de Mme Ndioro NDIAYE, Présidente AMLD
Son intervention a été axée sur l’importance du DIH sur les femmes en tant que sujets et actrices fondamentales et l’intérêt des thèmes choisis pour les femmes qui sont parties prenantes dans le processus migratoire. Elle a aussi souligné la non-prise en compte ou le non visibilité des dispositions du DIH dans les conflits actuels en Afrique de l’Ouest (Lybie, Côte d’Ivoire, Guinée etc.) pour les femmes et l’attente des populations africaines quand a l’effectivité de ces instruments.
Dans sa communication, elle a aussi suggéré que la présence des femmes dans les institutions du secteur de sécurité et les instances de décision peut faire la différence et influencer l’application du DIH en faveur des femmes dans les zones de conflits. Elle a enfin souhaité que les gouvernements et les sociétés civiles élaborent ensemble une grille d’analyse pertinente et impérative pour la mise en œuvre du DIH.
- Allocution de l’Ambassadeur Maurizio MORENO, Président IIHL
Selon lui, le thème choisi pour ce colloque – les femmes, les migrations, les conflits – est un thème d’intérêt qui retient toute son attention comme le témoigne sa participation à cette rencontre de haut niveau. Parmi les participants venant d’Italie, il a cite : Mme Maria Pia GARAVAGLIA, Sénateur, ancienne ministre de la santé et ancienne Présidente de la Croix Rouge Italienne et Mme Cristina De LUCA, ancienne députée et ancien Secrétaire d’Etat à la Solidarité Sociale.et à l’immigration du gouvernement italien.
Il a fait noter que l’on assiste actuellement à un monde qui change à un rythme extraordinaire d’où l’émergence de nouveaux défis pour le DIH et le DIDH. Ce qui représente un impératif international pour garantir leur pleine application. La fin de la guerre froide, la globalisation, la crise économique ont profondément bouleversé la géopolitique mondiale sans apaiser les tensions. Ces dernières années ont été charnières avec une multiplication des conflits dans le monde, une recrudescence de la violence sous toutes ses formes cruelles et effarées avec des conséquences tragiques supportées par des populations innocentes et les groupes les plus vulnérables en particulier les femmes et les enfants.
L’Institut International de Droit Humanitaire a eu à organiser, il y a plus d’une année, un séminaire sur le droit et politiques des migrations internationales en coopération avec l’OIM Genève et s’est intéressé aux réponses possibles pour relever les défis de la migration en Afrique de l’Ouest et du Nord. Pour lui, les recommandations issues de ce Colloque mériteraient d’être analyser.
Il a aussi insisté sur l’aspect interne des conflits modernes qui sont, de nos jours, les premières causes de déplacements de populations et les femmes en sont les premières victimes. Il note que grâce aux médias, le monde est témoin direct de ces violations flagrantes du DIH, voir du DIDH. Le DIH, le DIDH et tant autres droits relatifs à l’Homme ont, peut-être montré leurs lacunes dans l’application des droits fondamentaux des êtres humaines et en particulier des femmes, mais il est clair que le cadre juridique existe bel et bien et son application, le respect des règles dépendent en grande partie de la responsabilité des Etats ainsi que du bon fonctionnement de la coopération au niveau régional et international
Il a insisté sur la diffusion, l’enseignement et la formation qui jouent un rôle essentiel dans leur mise en œuvre et représentent une condition préalable à l’application et au développement de toute règle de droit et constituent la base de toute action de prévention.
Dans le domaine de la protection des femmes victimes des conflits armées ou des migrations forcées, il est essentiel de promouvoir le développement de synergies et une coopération internationale. La société civile a aussi un rôle important à jouer dans ces rencontres.
Il termine en affirmant que l’Institut International de Droit Humanitaire de San Remo est ouvert au dialogue et à la collaboration avec les instances et toutes institutions qui partagent ces idéaux.
- Allocution de Mme Christina De LUCA, Chercheure IPRS
Elle nous à fait une brève présentation de l’Institut Psychanalytique pour la Recherche Sociale qui est une structure spécialisée sur l’étude de phénomènes liés aux malaises sociales à savoir: l’immigration, les difficultés auxquelles les jeunes sont confrontés, toutes les formes de discrimination, la marginalisation, et qui cherche, à travers des études, à approfondir ces thèmes et à fournir des solutions durables et des clés d’interprétation de ces phénomènes. Son champ d’action et ses interventions se situent au niveau international plus principalement avec les partenaires institutionnels et non institutionnels des différents pays du monde entier en commençant par l’Europe.
Ce colloque est, pour son Institut, une opportunité de coopérer, de réfléchir et d’échanger sur une problématique aussi importante. Le thème choisi pour ce colloque les interpelle particulièrement car, nonobstant tous les efforts faits pour éliminer toutes les formes de discriminations et de violences contre les femmes, celles-ci perdurent, ont pris de l’ampleur et ont de plus en plus des conséquences néfastes sur la vie des femmes et des filles, en particulier dans les zones de conflit armé.
Elle reste convaincue que cette réflexion engagée par les acteurs présents dans ce domaine particulier, pourrait aboutir à l’identification et au partage de bonnes pratiques et aboutira à l’émergence de nouvelles stratégies pour les Etats et la Société civile. En plus, cette rencontre permettra de renforcer les réseaux non seulement au niveau national entre les différents acteurs engagés dans ce domaine, mais aussi à tous les autres niveaux. Elle a insisté sur la nécessité d’établir une connexion et une collaboration effective et efficace entre tous les acteurs concernés à travers l’aide, la connaissance, la prévention, l’information et la formation.
Les recommandations issues de ce colloque pourront enfin permettre une meilleure prise en compte des besoins et droits fondamentaux des femmes et des filles et aboutir à la naissance de nouveaux programmes et projets d’informations, de communication, de sensibilisation et de formation destinés aux femmes sur les problématiques liées au droit humanitaire, à l’immigration, à la sécurité des femmes et à la préservation de leur dignité.
ET LE CICR ? ALLOCUTION DU REPRESENTANT DU CICR ?
Le CICR n’a pas pris la parole lors de la cérémonie d’ouverture.
- Allocution de Mr. Mahamane Cissé-GOURO, Représentant HCDH
Le Représentant du HCDH a rappelé l’adoption de la Convention Internationale sur les droits des travailleurs migrants et des membres de leurs familles, le 18 décembre 1990. Pour lui, l’adoption de cette convention est un signal fort que la communauté internationale voulait donner pour rappeler que les droits fondamentaux et la non-discrimination sont des principes qui s’appliquent à tous « sans distinction aucune » et doivent être réaffirmés pour les migrants qui sont considérés comme des individus en « situation de vulnérabilité dans laquelle ils se trouvent fréquemment ». Cette convention représente un guide complet pour la protection des droits fondamentaux des travailleurs migrants et des membres de leurs familles. Celle-ci est, aujourd’hui, d’actualité et représente un cadre de coopération cohérent pour promouvoir des conditions de migration dignes et équitables.
Une autre source de vulnérabilité des femmes non moins prise en compte dans les dispositions internationales est : « les femmes dans les conflits armés ». Les femmes ne doivent plus être considérées comme des victimes, mais elles participent à des efforts de guerre et parfois participent directement à la guerre.
Elles doivent aussi jouer un rôle important dans la prévention, la négociation, la consolidation, etc. cependant, leur participation à l’ensemble de ces processus n’est pas encore effective.
Il souhaite que les recommandations issues des travaux contribuent à une meilleure prise en charge de ces questions.
- Allocution de Mme Coumba GAYE, Ministre Déléguée auprès du Ministre de la Justice, chargée des droits humains
Selon la ministre déléguée chargée de droits humains, le thème de ce colloque est digne d’intérêt car les interrogations qu’il soulève requièrent une réflexion approfondie susceptible d’apporter les réponses adaptées à une protection efficace des populations civile, en particulier les femmes dont les droits et libertés sont systématiquement bafoués lors des conflits armés et durant les périodes post-conflits.
Pour elle, les violations récurrentes des droits fondamentaux des femmes commises à grande échelle, durant les récentes guerres, découlent des changements survenus dans la nature des conflits armés dont le caractère international a fini par céder la place aux guerres civiles et autres fratricides qui éclatent à l’intérieur des pays.
Elle a ensuite souligné que les femmes subissent des exactions de toutes formes commises avec une barbarie incommensurable : esclavage sexuel, viols systématiques, grossesses forcées, meurtres, etc. Ce qui constitue au regard du DIDH des traitements inhumains et dégradantes prohibés. Les images des femmes, enfants sur le dos, baluchons en bandoulière, fuyant les atrocités de la guerre et jetées en masse sur les chemins de l’exil accompagnées des personnes à charge (vieillards par exemple) véhiculées par les médias, en sont une parfaite illustration.
Elle a aussi rappelé l’importance de l’article 3 commun aux 4 conventions de Genève du 12 août 1946 et qui fait peser sur les différentes parties que la guerre oppose, l’obligation « de traiter avec humanité les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, en toutes circonstances et sans aucune distinction de caractère défavorable basée sur la race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou tout autre critère analogue ». Cette disposition est renforcée par l’article 27 alinéa 2 du protocole additionnel II relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux qui dispose que « les femmes seront spécialement protégées contre toute atteinte à leur honneur, et notamment contre le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentant à leur pudeur. »
Elle exhorte les Etats à coopérer pleinement avec la Cour Internationale de Justice, dans les enquêtes, les poursuites et la remise des personnes inculpées. Par ailleurs, au-delà de la répression des crimes de guerre, il semble particulièrement important et déterminant que les femmes puissent participer en toute égalité au processus de résolution des conflits armés, conformément à la Résolution 1325 (2000) du Conseil de Sécurité des Nations Unies adoptée le 31 octobre 2000. Le sort des femmes mérite une attention particulière, en particulier celles du continent africain.
- Allocution de Mme Awa NDIAYE, Ministre d’Etat, Ministre du Genre et des relations avec les Associations Féminines africaines et étrangères
Mme Ndiaye a tout d’abord voulu exprimer l’honneur et le plaisir éprouvés à ouvrir ce colloque international sur le thème « Femmes et conflits armés, Femmes et migration. Quelles réponses et quels défis pour le Droit international des Droits de l’Homme et le Droit International Humanitaire ? ». Elle s’est félicité de l’organisation de cette rencontre importante en terre sénégalaise, pays d’hospitalité, mais également pays soucieux du respect et de la promotion des droits Humains en général et des droits des femmes en particulier. Elle a rappelé que le Sénégal s’est doté d’un arsenal juridique efficient, à travers la ratification et la souscription à des instruments juridiques pertinents, relatifs au Droit International des Droits de l’Homme et au Droit International Humanitaire. Elle a cité également le Pacte International Relatif aux Droits Economiques et Sociaux, le Pacte International Relatif aux Droits civils et politiques, la Convention pour l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard des Femmes, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, sans oublier les Conventions de Genève et leurs protocoles additionnels. La liste est loin d’être exhaustive. L’Etat du Sénégal par ailleurs, particulièrement attentif aux questions qui touchent les femmes et les filles, s’est engagé dans un processus de mise en œuvre de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Un plan d’action national a été élaboré et sa conjonction avec notre récente loi sur la parité, dans les instances électives et semi-électives, créera, sans nul doute, de meilleures conditions pour la protection des droits de la femme sénégalaise. En effet, la législation sénégalaise est fondée sur les principes d’égalité et de non discrimination, qui sont le fondement des règles universelles des droits de l’homme, règles indivisibles, inaliénables et imprescriptibles.
Pour elle, sans aucun doute, ce colloque permettra d’identifier les problèmes de droit et d’esquisser des perspectives d’actions pour une prise en charge adéquate de la protection des besoins spécifiques des femmes pendant et après les conflits armés, mais aussi durant les mouvements migratoires forcés. Les résultats et les recommandations issus des échanges permettront de renforcer l’application effective de l’arsenal juridique international, mais aussi de réexaminer le rôle et la contribution des femmes à la mise en œuvre du droit international humanitaire. Elle voudrait, à ce titre, renouveler l’engagement du gouvernement du Sénégal pour l’application volontaire des principes du droit international humanitaire et des droits humains, dans notre pays. Elle a adressé également, dans ce cadre , ses vives remerciements au nom de son Excellence Me Abdoulaye Wade, Président de la République, à tous les partenaires, ainsi qu’à tous les acteurs et particulièrement les organisation de la société civile, dont les efforts ont permis d’arriver à des résultats significatifs. Aussi a-t-elle, à ce titre, remercié et félicité particulièrement : l’Institut International de Droit Humanitaire, l’Institut Psychanalytique de Recherches Sociales, l’Institut Humanitaire International de San Remo, enfin Mme le Professeur Ndioro Ndiaye, Présidente de l’Alliance pour la Migration, le Leadership et le Développement et partenaire essentiel du Ministère du genre.
Pour terminer, elle a réitéré son entière disponibilité à poursuivre le partenariat fructueux déjà engagé entre les deux institutions, et, au nom du gouvernement du Sénégal exprimer leurs vives félicitations, pour l’excellent travail engagé au sein de l’AMLD.
Elle a déclaré ouvert ce premier colloque sur « Femmes et conflits armés, Femmes et migration. Quelles réponses et quels défis pour le Droit international des Droits de l’Homme et le Droit International Humanitaire ? » ; tout en souhaitant fortement que les recommandations permettront une protection plus efficace des femmes dans les conflits, mais également la promotion de leurs rôles stratégiques, dans les structures de gouvernance et sécurité.
LIRE LA SUITE SUR MÉDIA TEC
Partager :