LE RÔLE DES FEMMES DANS LA PROMOTION DU DIALOGUE INTER-RELIGIEUX ET INTERCULTUREL POUR UNE EDUCATION A LA PAIX
Discours Pr NDIAYE
Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur Fillipe Savadogo,
Docteur
Chers participant-es,
Mesdames et Messieurs,
C’est toujours un plaisir pour moi de fouler à nouveau cette terre d’intégrité qu’est le Faso, terre d’espérance aussi et de cohabitation entre les Hommes par-delà leurs croyances et origines.
Vous me permettrez de remercier très chaleureusement les initiateurs de ce Symposium en l’occurrence SEM Filippe SAVADOGO et Dr. Lazare KI-ZERBO. A ces remerciements, je tiens à associer le Pr Albert TEVOEDJERE promoteur de l’Initiative africaine d’éducation au développement et à la paix par le Dialogue interreligieux et interculturel, lancé le 29 mai 2015 à Cotonou ainsi que tous les membres du comité d’organisation et de pilotage de e Symposium de Ouagadougou pour le bel accueil qu’ils nous ont réservés. Rien d’étonnant, Excellences, car par ce noble geste de convivialité, vous perpétuez cette vieille tradition d’ouverture et de l’hospitalité qui a fini de faire la renommée du Faso.
Lorsque l’invitation du Symposium International sur le Dialogue des cultures m’est parvenue, je n’ai pas hésité un seul instant à l’accepter. Pour trois raisons.
D’accord, il faut reconnaitre que notre époque est hélas marquée par le sceau de l’intolérance religieuse et par la montée d’une culture de la peur, de la violence, de la terreur. Des attitudes qui n’ont pas leur place notre humanité, notre civilisation faite de paix, et de dialogue.
Ces dernières années ont été particulièrement meurtrières dans notre sous région ouest africaine. La recrudescence et la persistance de l’extrémisme violent ont fini d’installer la psychose dans une région où pendant des siècles les adeptes de diverses sensibilités religieuses ont cohabité sans heurts. Suffisamment pour que certains évoquent la transformation du Sahel en un Sahelistan.
Mais au-delà du Sahel, c’est le monde dans son entièreté qui semble recroquevillé sur lui-même. Le Sahel n’échappe en effet pas à cette géopolitique de la peur qui a fini de gagner le monde et continue de faire payer aux femmes un très lourd tribut.
Si d’aucuns s’inscrivent dans une perspective de l’internationaliste américain Samuel Huntington n évoquant un prétendu choc des civilisations pour rendre compte de l’état de décrépitude des relations entre les hommes, je parlerai, bien volontiers, d’un clash des ignorances et d’un duel des incultures.
Deuxièmement, en tant que musulmane et citoyenne d’un Etat où les toutes sensibilités religieuses s’expriment en harmonie jusqu’à présent, j’observe, avec beaucoup d’angoisse le déficit de dialogue au plan national, sous régional, régional et international sur le radicalisme, les mutations individuels et collectives qui engendrent les actions que nous reprouvons tous.
Comme le dit l’un des chantres de la Négritude, le Martiniquais Aimé Césaire : « Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes qui suscite son fonctionnement est une civilisation décadente.»
Notre civilisation est à la croisée des chemins, écartelée entre espoir de lendemains meilleurs, réaffirmation d’un commun vouloir de vie commune et esprit de combat, montée des revanchismes de toutes sortes. Des forces obscures ont pris en otage notre civilisation avec des méthodes et pratiques tout droit sorties d’un autre âge. Donnant parfois l’air d’un « désir d’apartheid » pour reprendre l’expression d’un penseur camerounais Achille Mbembé.
Nous ne pouvons nous accommoder de ces méthodes qui relèguent l’homme au rang de d’instruments. Nous ne pouvons et ne devons tolérer l’expansion d’un processus aussi liberticide.
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Je dis bien, notre civilisation est à la croisée des chemins. Et nous devons chercher dans nos socio-cultures les paradigmes nécessaires pour désamorcer les clivages qui conduisent au radicalisme et à l’intolérance religieuse.
La gestion des conflits de tous ordres exige la prise en compte du facteur sociologique, ethnique, culturel et du genre dès lors qu’il est constitutif de logiques sur lesquelles se dressent des solidarités et des affinités.
En troisième lieu, en tant que femme et mère de famille, la question du radicalisme ne saurait me laisser insensible tant la souffrance qu’elle engendre, au sein de la société, est importante et les méthodes et types d’agressions nouvelles. Ici en Afrique de l’Ouest et globalement dans le Sahel notamment, les femmes et les jeunes filles sont un groupe qui mérite attention. Elles sont certes des victimes directes et collatérales mais elles deviennent de plus en plus des actrices. En effet, longtemps considéré comme une activité typiquement masculine, le radicalisme religieux accueille de plus en plus de recrues féminines.
Quels rôles dans la planification des actions que nous observons aujourd’hui ? Quelle est leur responsabilité ? Depuis juin 2014, quasiment chaque semaine, des femmes dans le Sahel-souvent des adolescentes, voire des fillettes sèment la mort, au prix de leur propre sacrifice, sur les ordres de la milice Boko Haram ou d’autres criminels.
Les femmes et les jeunes filles ont de plus en plus de responsabilité et jouent un rôle davantage important dans les actions de terreur qui sont menées sur différents fronts.
Militante de la cause féminine et par humanisme, il m’est impossible de m’accommoder de la brutalité dans laquelle le monde et notre société est en train de basculer.
Ce symposium vient à point nommé pour questionner les femmes sur ce qu’elles ont à apporter pour contribuer à l’effort de pacification de nos sociétés. Les solutions doivent être inclusives et tenir compte des avis des populations et particulièrement nous femmes qui sommes dans nos sociétés les plus proches des jeunes, nous qui assurons l’éducation des enfants.
Nous devons nous engager, nonobstant les tribulations de la vie, à converger vers ce que le philosophe français Edgar Morin appelle de tous ses vœux : « éduquer à la paix pour résister à l’esprit de guerre ». Car, poursuit-il : « Un idéal de consommation, de supermarchés, de gains, de productivité, de PIB ne peut satisfaire les aspirations les plus profondes de l’être humain qui sont de se réaliser comme personne au sein d’une communauté solidaire.» Nous devrions :
-Davantage lutter contre les clichés et éviter de tomber dans le piège des stéréotypes en prônant dès le bas âge l’acceptation d’autrui à nos enfants;
-Inviter nos enfants à l’interaction avec les communautés en les incitant à inviter leurs amis et camarades à l’occasions de célébrations coutumières et/ou religieuses;
-Nous organiser davantage en actrices de la société civile pour un ancrage de la culture de la paix et du dialogue et en interagissant avec les acteurs institutionnels pour une institutionnalisant de ce dialogue;
-Privilégier le dialogue inter communautaire et les échanges entre les différentes composantes de la société pour mieux se connaitre et dissiper les tensions ;
-Prêcher aussi par l’exemple en ayant la bonne conduite et attitude vis-à-vis de l’externe et des autre communautés culturelles et religieuses.
Le radicalisme n’est pas une fatalité tout comme le dialogue interreligieux ne constitue pas non une douce utopie. Les formes nouvelles de violences sociales et internationales qui traversent nos sociétés et qui en constituent les manifestations les plus spectaculaires le sont encore moins. Mais une chose reste évidente : « ce n’est pas la canonnière qui permettra de répondre à la décomposition sociale, mais « le traitement social des conflictualités ». Le canon s’oppose parfois avec succès à d’autres canons, mais comment opposer un canon à une décomposition sociale ou à une faiblesse institutionnelle ? », s’interroge avec raison le politologue français Bertrand Badie. Le radicalisme se vaincra par l’acceptation de l’altérité de la part des principaux concernés : les populations d’un même pays dont les destins, au-delà de leurs différences, restent profondément liés. Cela passe inéluctablement par une véritable culture de l’hospitalité de la part des différentes composantes de la société, que cela soit au niveau institutionnel ou non.
Je vais conclure avec cette belle formule de Wangari Maathai, : « Dans le cours de l’histoire, il vient un temps où l’humanité est appelée à s’élever à un nouveau niveau de conscience, à atteindre un plus haut niveau moral. Un temps où nous avons à abandonner notre peur et donner de l’espoir à chacun. Ce temps, c’est maintenant.»
Les femmes doivent jouer leur partition dans l’instauration et l’appropriation d’une culture de la paix indispensable à la préservation de la paix, pilier du développement économiquement et socialement durable et inclusif.
Je vous remercie.
Pr Ndioro NDIAYE
Présidente Alliance pour la Migration, le Leadership et le Développement (AMLD)
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