Le projet d’une convention globale sur la reconnaissance des diplômes d’un pays à un autre a été adopté fin 2019 par les pays membres de l’Unesco,. Ce premier traité onusien de portée mondiale sur l’enseignement supérieur fait la part belle aux migrants et réfugiés qui peinent à faire reconnaître leurs compétences dans leur pays d’accueil. Explications.
C’était un projet en discussion depuis plus de huit ans : les États membres de l’Unesco, l’agence des Nation unies pour l’éducation, la science et la culture, ont approuvé le 25 novembre 2019 une convention mondiale permettant la reconnaissance des diplômes du supérieur d’un pays à l’autre. Il s’agit d’une première dans le système onusien. Plus récemment, en mai, la Norvège a été le premier pays à ratifier ladite convention. Et l’Unesco espère désormais qu’un petit groupe de pays pionniers suivront son exemple dans les prochains mois en vue de l’application concrète et à large échelle du texte.
Que prévoit précisément cette convention ? En quoi peut-elle être utile aux migrants et aux réfugiés ? InfoMigrants s’est entretenu avec Stefania Giannini, sous-directrice générale à l‘éducation de l’Unesco.
InfoMigrants : À quoi sert cette convention sur la reconnaissance des diplômes du supérieur ?
Stefania Giannini : L’objectif fondamental de ce texte a été d’établir des mécanismes d’évaluation et de reconnaissance des diplômes, certificats et autres qualifications que les étudiants peuvent acquérir. Il s’agit d’encourager la mobilité et l’inclusion sans gâcher les compétences.
Nous estimons à plus de 220 millions le nombre d’étudiants dans le monde actuellement. C’est deux fois plus qu’il y a 10 ans. Cinq millions étudient à l’étranger, dont 2,5 millions hors de leur région d’origine. Pour eux, les échanges sont aujourd’hui très complexes. Avec cette convention, l’idée est de donner un cadre juste, cohérent, transparent et fiable dans lequel on peut situer l’étudiant.
IM : Quand la convention sera-t-elle effective ?
S.G. : Comme tous les traités des Nations unies, il ne s’agit pas d’un instrument contraignant d’un point de vue juridique, il n’y a aucune obligation pour les États membres de la ratifier. Cela dit, c’est la première fois en huit ans de discussions que l’on arrive à l’élaboration de ce cadre clair.
Maintenant, nous visons la ratification par au moins 20 pays. Nous avons récemment appris que la Norvège, un pays très avancé à ce niveau et qui a beaucoup contribué aux discussions, venait de le ratifier. D’autres pays, notamment en Afrique, en Europe et en Amérique latine, ont manifesté aussi leur intention de suivre le mouvement. On estime à deux ans le temps nécessaire pour que tout le processus soit terminé. C’est encore long, mais la crise du coronavirus a freiné les avancements sur ce dossier.
IM : En quoi cette convention peut-être être utile aux migrants et réfugiés qui arrivent par exemple en Europe ?
S. G. : L’article 7 de la convention s’adresse spécifiquement au public des migrants et réfugiés. Il fait état d’un passeport des qualifications sous l’égide de l’Unesco qui offre une solution pratique pour faire reconnaître les niveaux d’étude qu’un migrant ou un réfugié a obtenu dans son pays d’origine.
Ce passeport détaille et valide les qualifications qu’un migrant ou un réfugié est susceptible d’avoir sur la base des preuves disponibles, d’une part, et grâce à des entretiens avec le candidat, d’autre part.
Très souvent, les migrants et réfugiés, on le sait, arrivent sans papiers, sans aucune copie de leurs diplômes parce qu’ils n’ont pas pensé à les prendre ou bien qu’ils les ont perdus en chemin. Le passeport des qualifications va donc mettre en oeuvre une méthodologie d’évaluation combinant les documents disponibles, les informations vérifiables et des entretiens structurés permettant de valider le niveau de compétence que l’on peut reconnaître à l’étudiant.
IM : Comment un migrant ou un réfugié peut-il obtenir un passeport de qualification de l’Unesco ?
S. G. : Ce n’est pas l’Unesco qui choisit les candidats. L’Unesco soutient et met à disposition le processus qui est géré par le ministère de l’Éducation ou de l’Enseignement supérieur du pays concerné, en coopération avec le ministère de l’Intérieur. De notre côté, nous aidons à la mise en oeuvre en structurant les entretiens des candidats et en évaluant les documents disponibles. C’est une procédure très précise que nous appliquons en partenariat avec le Haut-commissariat aux réfugiés de l’ONU.
On a fait des premières expérimentations en Zambie, notamment car ce pays africain compte énormément de réfugiés. Nous avons déjà octroyé 11 passeports des qualifications pour des réfugiés vivant en Zambie, en collaboration le gouvernement.
Nous sommes en train d’élargir ce projet pilote avec d’autres pays d’accueil que sont la Colombie, l’Inde, l’Afrique du Sud et l’Australie. Nous leur avons notamment proposé d’utiliser le passeport des qualifications dès le début de la crise sanitaire afin de faire reconnaître les compétences dans le domaine de la santé de certains étrangers, au moment même où il y avait un besoin drastique de soignants.
Cela a bien fonctionné et on a pu se rendre compte que c’est une méthodologie qui, une fois qu’elle est en marche, peut être importée facilement et notamment pour les réfugiés qui se trouvent en Europe et qui ont besoin de faire reconnaître leurs compétences pour reconstruire leur nouvelle vie.
SOURCE : https://www.infomigrants.net
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